Le feu brûle en toi

Le feu brûle en toi
La neige touche ton cœur
Roule sur les boulevards
Allume une cigarette
Lance un vieux Chuck Berry
Les pupilles dilatées
Le sang qui vibre
Un cœur qui court
Le vent refroidit ta peau
Le présent seulement
Le temps d’un éclair
Tu les vois, tu les laisses
Ils sont loin, perdus
Oublie les fantômes
La vie est sur les trottoirs
Les lumières des appartements
Roule, roule toujours
Le feu brûle en toi

Extrait du recueil : Empty Head
Décembre 2022
Mia Wallace

Le 11/12/22

Un journal d’écriture, où j’écris que : j’écris un peu ou beaucoup, est-ce que cela a un sens. L’écriture, je ne sais pas, les écritures, cela me semble plus juste. Il y-a l’écriture-confidence, celle où l’on s’épanche, où le trop plein de mots gardés sont dits, puis il y-a l’écriture raconteuse, l’envie de prendre par la main le lecteur et de l’attraper dans notre toile cérébrale avec notre tour de magie, il y aussi l’écriture maline, la raisonneuse, celle qui pense, qui démontre, celle qui fait tout pour paraître légère avec ses gros croquenots aux pieds, il y a aussi l’écriture poétique, musicale, presque inintelligible, celle qui s’échappe comme la fumée de cigarette que l’on veut attraper dans ses mains, qui ressemble à la buée sur la fenêtre où l’on trace nos premiers mots. Dans une journée je passe quelquefois de l’une à l’autre. Alors je m’adapte, je fais avec, je ne contrôle pas grand-chose. L’écriture s’invite dans mon cœur et ma tête, sans me demander la permission, presque impolie, je l’accueille, je souris et je lui obéis, un écrivain est un esclave qui se prend pour un maître, le maître est toujours déçu et l’esclave est souvent décevant.

Arrive le temps du blues

Je repense aux amis que j’ai trahis
Aux enfants que j’ai trahis
Je ne peux plus rien faire
Le temps a tout gravé dans le marbre
Il faudrait que je revienne en arrière
Que je répare, que je m’excuse
Les regrets sont vivants
Je les sens, ils sont en moi
Je peux toujours me rappeler
Les belles choses, les bons gestes
Les silences courageux,
Mais là aussi, les regrets sont cachés
Je ne voulais pas être un ange,
Je ne voulais pas être le diable
Je ne pouvais être que moi
J’ai toujours cru que je pouvais être plus
Le beau mensonge
Je ne suis
Qu’une planche fendue
Qui vibre au gré du hasard

Novembre 2022
Keizer Söze

Le 30/11/22

Les livres qui constituent les bibliothèques ont presque tous pour objectif d’éclairer le lecteur, de donner de l’espoir, qu’il espère en un monde meilleur, qu’il devienne meilleur grâce au livre qu’il lit. Cette recherche de lumière est omniprésente dans tous les arts, à toutes les époques. Il y a quelques œuvres qui nous montrent les ténèbres, mais elles fonctionnent sur cette logique d’ombre et de lumière. Est-ce qu’un jour on débarrassera l’art de cette vision religieuse, de ce besoin d’éclairer le lecteur, le spectateur ? Il est possible de montrer le monde, d’inventer des histoires, sans cette nécessité de cul béni, sans ce besoin d’enseigner à l’autre, de lui donner de l’espoir, juste lui montrer, lui dire. Achète mon livre, tu trouveras la lumière et l’espoir, ce sont des livres faits pour les enfants. Il faudrait laver le cerveau de la grande majorité des lecteurs, qu’ils oublient la recherche de lumière, ils arrêteraient de penser comme des lapins pris dans les phares. C’est effrayant.

Le 27/12/22


J’ai mis deux ans à comprendre qu’on n’écrivait pas « ce qu’on voulait », mais « ce qu’on pouvait », les textes initiés pendant cette période m’ont appris cela. Je sais maintenant, mais je l’ai toujours su, que j’ai quelques atouts, mais maintenant je suis conscient que j’en ai un rare et précieux, l’imagination, un beau diamant noir, un petit cailloux qui vous coûte très cher. Je suis donc fabricant d’histoire. C’est ce que je peux, en fait l’essentiel, ce n’est pas le style de livre que j’aurais aimé faire, la posture d’auteur qui m’aurait plu, tout cela ce sont des enfantillages, l’important, c’est « ce que je dois dire », ce qui compte pour moi. À moi de trouver le moyen d’insérer «  ce que je dois dire » dans « ce que je peux écrire ». Le travail a commencé, les solutions arrivent.

L’amour des mots

Ils attendaient depuis plusieurs heures, ils ne criaient plus, ils ne me parlaient même plus, ils parlaient entre eux. Ils avaient compris qu’il me fallait du temps pour que le voile qui me recouvrait disparaisse. J’ai senti que c’était le moment, alors j’ai dit d’une voix calme : je vais tout vous raconter depuis le début. Vous allez comprendre. Ils m’ont regardé, ils ont approché leur siège de la table, l’un d’eux a appuyé sur un bouton. Je suis arrivé à La Rochelle, au mois de septembre, c’était un beau mois, le soleil traînait, vous vous en souvenez. Je pensais que ma vie changerait, que ce serait un nouveau départ. Je deviendrais un peu plus celui que j’aimerais être. Je restais un doux rêveur, je ne suis pas méchant, vous savez. Je sentais qu’il fallait changer mes habitudes, je voulais sortir de chez moi pour écrire pendant la matinée. J’ai donc cherché un lieu pour m’accueillir. Je pensais à un café avec quelques habitués, des discussions ordinaires, une reconnaissance amicale viendrait rapidement de la part des propriétaires. À mon arrivée chaque matin, on discuterait quelques minutes de l’actualité ou de la météo. J’ai trouvé un lieu qui me semblait convenir, un petit café sur l’avenue de Rompsay, il avait un beau nom : « L’amour des mots ». Je décidais le lendemain matin d’y aller à pied. J’étais impatient, c’était un peu ma rentrée des classes, j’arrivais dans une nouvelle école et j’avais aussi un peu le trac. Le soir avant de me coucher je m’étais entraîné à des: « bonjour », « un café s’il vous plaît », « excusez-moi, vous avez le journal ? » « Quel beau temps aujourd’hui-hui, on est gâté » « on a de la chance de vivre ici » « ça fait longtemps que vous tenez ce café » «  j’aime beaucoup l’ambiance de cet endroit » «  ah les hommes politiques », vous comprenez. J’espérais qu’il y est un homme et une femme. Je me voyais discuter avec l’homme de football, de voitures, de politique, avec la femme, j’évoquerai mes enfants, les repas, peut-être la littérature, avec beaucoup de chance ce serait une lectrice. Les propriétaires du café je les imaginais en m’habillant, un couple d’une soixantaine d’années, elle ressemblerait à une ancienne actrice, elle porterait les traces de sa grande beauté, lui, il serait un petit homme méditerranéen, un homme de parole et de vécu, un homme qui aurait trouvé son ange. Donc ce premier jour, je descends les escaliers en sifflant, je pars vers cette rencontre, heureux, pressé, vraiment j’étais content. Je passe le portail, je longe le lycée, puis je tourne à droite. Je commence à remonter l’avenue de Rompsay. À ma gauche, il y a un ensemble de petits immeubles à deux étages, chaque appartement possède une petite terrasse, cela forme comme un empilage de lego en béton, c’est drôle, les gens doivent être heureux là-dedans. Sur le trottoir ou je marche il y a des petits pavillons, ils possèdent tous une bande de jardins étroite devant leur façade, j’imagine qu’à l’arrière il y a des jardins plus importants avec des balançoires, des buts de foot, les enfants doivent être heureux ici, après j’ai croisé deux jeunes garçons avec des sacs d’écoliers sur le dos, ils discutent à voix basse, je comprends qu’ils parlent de jeux vidéo. J’aperçois le café, il est à quarante mètres, un camion de chantier encombre le trottoir devant moi, je m’apprête à passer quand j’aperçois une vieille dame avec un petit chien. Je lui ai fait un geste de la main l’invitant à passer. Elle me remercie d’un geste amical en levant la main, mais elle ne me dit même pas merci. Je suis arrivé au café, j’ai le cœur qui bat. J’ouvre la porte et j’entre. Il n’y a pas un bruit, une sorte de silence étrange, vous comprenez, une étrange résonance, un peu sourde, accoudé à une extrémité du comptoir, il y a un gros homme au visage rouge, qui regarde dans le vide. À une table au fond à droite, il y a un petit homme en costume, il regarde fixement une course de chevaux qui est retransmise par un poste de télévision accroché en hauteur sur le mur du fond, le son du poste a été coupé. Je m’approche du comptoir, je m’accoude et j’attends. Derrière le comptoir il y a un grand miroir, je me regarde. J’étais dans mes pensées quand elle est apparue devant moi, je ne sais pas d’où elle est sortie, elle était là, c’était bizarre. Pendant quelques secondes j’ai cru que c’était un automate, vous l’auriez cru vous aussi. J’avais devant moi le visage d’une femme de porcelaine, sa peau était recouverte de poudre blanche, sur chacune de ses joues deux ronds rose foncé étaient peints et ses lèvres rouge carmin ressortait de l’ensemble, mais le plus surprenant, ce qui me troublait le plus c’était la blancheur de ses yeux, deux billes d’ivoire qui avait au centre un iris noir qui se mêlait à la pupille. Je l’ai fixé, interdit, un souffle m’est parvenu, en fait je ne suis pas sûr qu’elle ait dit quelque chose, j’allais lui répondre de ma voix ordinaire, mais je me suis arrêté, et le plus doucement possible j’ai répondu : un café, s’il vous plaît. Elle a souri et une tasse blanche posée sur une soucoupe blanche est apparue devant moi. Sur le côté de la tasse, il y avait une petite cuillère argentée et un petit morceau de sucre entouré de papier. Je me suis tourné vers le gros homme en bleu de travail, il m’a souri. Devant lui, il y avait le journal du jour qui était ouvert. Il a commencé à grandir sa cage thoracique pour me dire quelque chose, mais il s’est arrêté, il s’est penché sur l’avant en haussant les épaules et en posant ses deux mains à plat sur le journal, comme s’il me disait que ce n’était pas important ce qu’il allait dire. Je lui ai souri, pensant l’encourager à parler. Il a compris, il a fait signe de sa main droite, comme s’il tapait dans le vide pour m’indiquer que ce n’était pas utile, qu’il gardait ses mots pour lui. Vous comprenez. Quelques minutes j’ai entendu un grand bruit, je me suis retourné vers le turfiste, il avait fait tomber sa chaise en se levant brusquement, la course venait de se terminer, il m’a regardé et j’ai vu dans ses yeux un désespoir noir et profond comme un trou d’égout. Je voulais le rassurer, il venait de perdre plus qu’une course, c’était évident, même vous, vous auriez compris. J’allais lui dire que ce n’était pas grave, qu’il se refairait à la prochaine course, ou à celle du lendemain. Je me suis approché de lui, j’ai ouvert la bouche pour lui dire, il m’a regardé avec ses yeux de perdant, il attendait mes mots, mais je n’ai pas pu les dire. J’ai essayé de toutes mes forces, c’était impossible. Mes lèvres étaient cousues. J’ai fait une grimace pour qu’il comprenne ce que je ressentais, qu’il n’était pas seul, qu’il y a toujours un espoir, vous me comprenez. Il a attendu, puis il a posé des pièces de monnaie sur sa table et il est parti. Je l’ai vu passer à travers la vitrine, le dos courbé. Même pas une minute plus tard, j’entends un choc puis un grand bruit de frein. J’ai posé ma monnaie sur le bar et je suis sorti pour savoir ce qui c’était passé. Il n’avait pas vu le camion, je crois que c’est ça. Après que des gens se sont attroupés autour de lui, le chauffeur lui se tenait la tête, je pense que c’était le chauffeur, il pleurait en silence. Je me disais que mes mots auraient peut-être pu changer les choses. Que peut-être avec un peu d’espoir, il aurait fait plus attention ! J’y ai pensé toute la nuit, je n’ai pas dormi, je n’étais pas sûr de moi. Je devais me raconter une histoire, le lendemain j’y suis retourné, je voulais être sûr, je ne voulais pas faire n’importe quoi. C’était important, vous comprenez. Alors avant de partir, je ne sais pas pourquoi j’ai pris un couteau à manche rouge et je l’ai glissé dans ma poche intérieure. Je ne voulais faire de mal à personne, je vous le jure. Je suis entré dans le café, je suis allé au comptoir, le gros monsieur était devant son journal. Il m’a regardé, m’a souri et il est reparti dans sa lecture. Elle est apparue, comme la veille, la tasse est arrivée, le petit sucre aussi. Un jeune couple était installé à une table côté rue. Je les ai observés dans le grand miroir. La jeune fille pleurait, de grosses larmes coulaient sur ses joues, le jeune homme a voulu prendre la main de la jeune fille. Elle a refusé, elle a mis ses mains contre elle, comme si elle voulait retenir son ventre. Il a fourni un effort incroyable pour lui dire quelque chose, mais aucun son n’est sorti de sa bouche, rien, pas un mot. Vous comprenez. Lui aussi, il a pleuré. Ils sont restés immobiles pendant plusieurs minutes, ils se regardaient les yeux dans les yeux, vous savez comme ces couples, coupés du monde, comme s’ils étaient sur île, une île rien qu’à eux. La jeune fille s’est levée d’un coup, puis elle est partie. Lui, il est resté, il était perdu, je l’ai tout de suite compris, il ne s’en remettrait pas, je le savais, il avait perdu son ange, il n’avait pas dit les mots, il deviendrait un mort-vivant. J’ai observé la poupée, elle souriait. Elle souriait. C’est pour ça que je l’ai fait, vous comprenez, elle souriait. J’avais raison c’était elle. C’est aussi pour eux, pour nous, pour lui. Vous me comprenez. J’ai bien fait, il le fallait. Elle volait les mots des autres pour les manger. Vous comprenez. C’était une sale voleuse de mots !

Le 24/11/22

La difficulté d’écrire est multiple, les obstacles différents, un vrai steeple-chase. Heureusement, il y aussi du plaisir et de l’amusement, je comprends Kafka qui riait en écrivant la métamorphose (on se détend, je ne me prends pas pour Kafka). Mais la priorité reste la même, produire, produire en quantité, parce qu’il faudra isoler le bon du mauvais et ce n’est pas le plus facile. Je viens de finir le premier jet de « Vous comprenez ».
Pour beaucoup de lecteurs, la littérature doit être morale, il m’arrive de le penser aussi, pourtant quand j’écris, je veux me sentir libre , avoir le droit de commettre les pires crimes, d’afficher les pires idées, ce n’est pas une provocation, c’est un besoin, et par définition je ne sais pas l’expliquer. Cette liberté, m’autorise à écrire, je ne m’oblige pas à écrire des gestes gênantes, mais je ne m’interdit pas. Malgré cela, je n’ai qu’une envie : écrire juste.

Le distributeur

La gare de Surgères est un bâtiment élégant, équipé de grandes portes, d’intérieurs carrelés et de mobilier en bois, l’ensemble est un peu ancien.
J’attends un train pour Paris, il devrait arriver à dix-huit heures trente, l’hiver est là, la nuit aussi. Je suis assis sur un banc. Il y a avec moi une jeune maman et son bébé. Nous sommes tous les trois en avance. Personne n’a de téléphone à regarder, alors je lis et la jeune maman regarde son enfant. Le banc sur lequel je suis installé est à côté de la porte d’entrée, sur le mur à ma gauche il y a les distributeurs de boissons et de sucreries, en face de moi les portes qui donnent sur le quai et à ma droite les guichets équipés de vitres, il n’y a plus d’employé. Les seuls visages sympathiques sont ceux présents sur les posters collés aux murs, le président de région, un chanteur de variété bientôt en concert dans la ville, un employé S.N.C.F heureux de son sort qui sourit sur une affiche qui vote les mérites de son entreprise. Le silence dans de grandes pièces vides résonne, chaque petit bruit devient important, le bruit d’une page qui se tourne devient lourd, la toux d’un bébé devient grave. Une femelle au dos argenté et un jeune mâle entrent, elle doit avoir cinquante ans, lui est plus jeune peut-être de trente-cinq ans. Ils rient, ils parlent fort, chaque mot qu’ils disent résonne dans la gare. Je crois qu’ils aiment cela. On comprend qu’ils viennent de faire un stage pour renforcer la cohésion d’équipe. Ce sont des cadres d’une grande banque, ils repartent dans la région parisienne. La femelle argentée est petite, habillée d’un jean et d’un manteau noir, elle est ordinaire, lui il porte un costume et une chemise, mais pas de cravate. La femelle insère de la monnaie dans le distributeur de friandises et rien ne se passe, elle dit :
— Ça ne marche pas encore.
Le jeune mâle s’approche, il dit :
— Laisse-moi faire.
Il appuie plusieurs fois sur un bouton métallique, de plus en plus fort. Il abandonne, mais elle, elle veut récupérer sa monnaie, elle :
— Ce n’est pas possible, elle va me rendre mes pièces, puis elle donne un coup de pied dans le bas de la machine.
Son collègue veut l’aider, alors lui aussi il donne des coups sur le côté de la machine, comme s’il s’agissait d’un flipper :
— Putain, tu vas les cracher les pièces.
Deux mâles solides et au dos argentés entrent dans la gare, un mâle à bonnet et un autre grand et chauve, ils rejoignent le jeune mâle et la femelle, ils sont collègues, l’un d’eux, celui qui porte un bonnet :
— Qu’est-ce qui se passe ?
La femelle argentée crie presque :
— Je veux récupérer mon argent, je n’ai rien eu.
Le nouveau mâle arrivé appuie sur un des côtés de la machine, pour soulever deux pieds, mais il n’y arrive pas, alors à trois ils appuient, la machine se soulève un peu, ils la laissent retomber, rien ne se passe, ils recommencent, et encore. Le mâle chauve qui n’a rien dit jusque-là :
— Moi aussi ça m’est arrivé, tu n’as aucun moyen, c’est une honte, ce truc.
La femelle recommence à donner des coups de pied à la machine, elle crie en même temps. Les trois mâles la regardent, puis ils recommencent à appuyer sur un des côtés de la machine de toute leur force, après plusieurs essais, le distributeur tombe au sol dans un grand bruit métallique. Le mâle au bonnet décide d’ouvrir la vitre de la machine, il décroche une poubelle métallique du mur à grand coup de pied, puis revient avec, il l’utilise pour taper sur la serrure et il donne des coups sur la vitre. La vitre se fend. Il hésite, puis il donne un dernier coup, la vitre de la machine se casse. Les morceaux de verre tombent à l’intérieur de la machine, la femelle s’approche puis avec précaution, elle saisit les friandises accessibles. Elles les distribuent à ses collègues, ils sont contents d’eux, les mâles mangent la récolte, elle s’approche de la jeune maman et lui en propose une, elle refuse, elle vient vers moi et je la refuse aussi. Le train arrive, toute la meute va sur le quai, je me retourne pour voir la salle d’attente, j’imagine que la prochaine personne qui entrera pensera qu’une bande de jeunes humains a tout cassé.

Le 23/11/22

Pourquoi écrire des histoires ? C’est ma pente naturelle, quand j’écris une histoire j’ai le sentiment de remercier Les Histoires, d’agrandir le trésor collectif, une de plus dans la malle. Dans cet espace intérieur où j’imagine le début du récit, je suis seul à l’abri du monde dans mon refuge. C’est un théâtre dans le noir, je suis assis sur le sol au milieu du plateau, le théâtre est vide, silencieux. Je suis en attente, en apnée. Je sens une odeur de poussière. J’invoque le monde, j’attends qu’une étincelle apparaisse. La voilà, elle est petite, presque invisible, c’est un mot, un visage, un objet, maintenant je vais pouvoir respirer, la machine est en route, l’histoire peut commencer, les lumières vont s’allumer, la vie est là, les mots arrivent, ils étaient nécessaires.