Ma contribution au livre collectif pensé et édité par François Bon: Atlas roman puissance 100
C’est toujours comme ça que les choses se passent, c’est certainement écrit dans un registre tenu par un vieil homme qui en sourit. Il sait, lui, qui regarde le petit phare. Il attendait que cela arrive, quand il y réfléchit, il se rend compte qu’il a tout mis en place depuis longtemps. Il ne le voyait pas à l’époque, quand il a décidé de revenir, il commençait à suivre un chemin tout tracé. Il pensait être libre, que son passé n’avait rien à voir dans son choix. Il ne voyait pas que cela lui collait à la peau, comme un vieux chewing-gum sur une semelle. À chaque décision il allait vers cette issue. Il a commencé par s’installer à Saint Valery, bien sûr il y avait cette rue qu’il évitait. Quand il s’en approchait, le vertige l’arrêtait, il a essayé plusieurs fois de s’approcher de l’endroit, il était coincé entre ce courage qui le poussait à affronter l’obstacle et arrivé sur les lieux, il était devant cet échec qu’il savait inévitable. Il s’en voulait toujours, pour quoi continuer d’essayer, pourquoi s’abîmer, pourquoi se punir. Mais il était revenu pour elle, il le savait. La Somme restait ce petit fleuve à l’eau noire, rien ne changeait. Le bac ne fonctionnait plus. Il allait attendre ce soir comme les autres soirs, la fermeture du café, assis dans sa voiture sur le parking du petit train. Il la verrait descendre le rideau roulant. Un an qu’il espérait la croiser par hasard, pourtant la ville est petite. Demain, il recommencerait à traîner dans la rue de la Ferté, cent fois il s’était imaginé cette rencontre, il avait prévu chaque réplique possible, tournée dans sa tête la scène sous tous les angles, il était convaincu d’être prêt, enfin il essayait de le croire. Dans son dos le phare éclaire la baie. Elle ferme le café, ce soir, il ne bougera pas. Une voiture est venue se garer un peu plus loin, deux jeunes hommes à l’intérieur discutent avec de grands gestes.